Les porcins

U Porcu Nustrale

Zone d’élevage

Le porc corse (u porcu corsu) est présent sur l’île depuis des millénaires, depuis qu’il aurait remplacé l’actuel sanglier corse (retourné à l’état sauvage) dans les élevages (Vigne, 1988). Après avoir subi, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, un grand nombre de croisements avec des races sélectionnées (principalement Large White puis Duroc), il a fait l’objet d’une démarche de sauvegarde qui a permis de reconstituer des effectifs en race pure. Sa présence dans les élevages est en croissance depuis sa reconnaissance officielle et intéresse toutes les zones de production traditionnelles (massifs montagneux).

Description

La race porcine corse présente un format moyen à petit : une femelle adulte pèse 140 à 180 kg et un mâle 200 à 240 kg. Doté d’une tête fine et allongée avec un groin mobile et des oreilles semi-tombantes, le porc corse peut montrer des épis sur la ligne du dos ainsi que des pendeloques (i pindini). Les patrons colorés sont multiples et basés sur les couleurs suivantes : noir, roux, gris et agouti. Les formes d’extension du blanc peuvent se surajouter aux patrons : ceinture, tête, liste en tête, pieds, etc.

Caractéristiques et aptitudes spécifiques

Le porc corse est un animal à croissance lente qui se caractérise par sa rusticité et son aptitude à la marche. Elevé en système extensif sylvo-pastoral, il valorise des parcours et les zones de châtaigneraie et de chênaie durant l’automne. Il peut également valoriser les estives dans des transhumances en zone d’altitude (entre 1500 et 2000 m.).

Il est capable de subir des périodes de faible disponibilité en ressources naturelles en mobilisant ses réserves corporelles avant de profiter à nouveau de ressources importantes par une croissance compensatrice (période de finition automnale). Il atteint son poids d’abattage (entre 100 et 130 kg de poids vif) à un âge avancé de 15 à 18 mois, voire 24 mois.

Présence historique

Le porc corse est très présent dans les périodes de la Corse rurale traditionnelle. En effet, le porc de basse-cour accompagne la vie de toutes les familles paysannes par sa capacité de récupération des déchets de la cuisine et de tous les aliments assimilables. Le mannarinu est ainsi élevé dans chaque famille pour être abattu aux alentours de Noël (traditionnellement, l’abattage commençait à la Santa Lucia, le 13 décembre) et transformé en produits de salaison qui seront consommés au cours de l’année ou même, pour le jambon sec, au cours de l’année suivante. Ces produits constituent une part importante de la fourniture en protéines animales ainsi qu’en matière grasse pour ces populations rurales de moyenne montagne.

Cet animal est acheté par le paysan sous forme de porcelet au sevrage vers le mois de mars (u marzulinu) à un éleveur (u purcaghju) qui dispose d’un troupeau de truies menées dans la forêt (porcu di banda ou porcu di furesta). Cet éleveur mène ses animaux de façon extensive et abat ses porcs à des âges plus avancés que le mannarinu.

Suite à la disparition progressive des ruraux (et donc de l’usage du mannarinu), c’est cet éleveur qui a subsisté jusqu’à nos jours sous la forme d’un producteur-transformateur fermier. Il conduit ses troupeaux (greghje ou rèfiche) sur de vastes étendues de parcours (rughjoni) grâce à l’aide de truies « meneuses » qui connaissent ces parcours et conduisent leurs congénères en assurant leur apprentissage des zones de repas, d’abreuvement et de couchage. Il réalise la finition des animaux à abattre (porchi tumbatoghji) durant l’automne dans les zones de châtaigneraie et de chênaie pour bénéficier d’aliments amylacés (châtaignes et glands) en grande quantité pâturés par les animaux eux-mêmes. Cette alimentation particulière provoque une accumulation de lipides dans les tissus musculaires (lipides intramusculaires) et adipeux dont la composition en acides gras reflète le prélèvement des animaux sur le milieu.

Suite à l’abattage des porcs, le producteur réalise la transformation des carcasses en produits traditionnels. Le jambon sec (u prisuttu), l’échine (a coppa), la longe (u lonzu), la poitrine (a panzetta) et la gorge (a bulagna) sont salés et séchés. Des produits divisés comme le saucisson (a salciccia ou u salamu), la saucisse de foie (u ficatellu), la saucisse grasse (a salcicetta) sont embossés dans divers boyaux. Des produits cuits comme les boudins (i sangui), le fromage de tête (u casgiu di porcu) ou l’estomac farci (u ventru) sont cuisinés. Tout ceci représente un ensemble de produits que toute famille rurale élaborait du temps où se produisait u mannarinu.

Des actions visant à sauvegarder le porc corse ont abouti, en 2006, à la reconnaissance officielle de la race porcine corse par le Ministère de l’Agriculture. Cette race a alors pris le nom de « Nustrale » du fait d’une demande d’AOC pour les pièces salées séchées, prisuttu, coppa et lonzu, afin d’éviter les risques de confusion liés à l’homonymie. La demande, instruite auprès de l’INAO depuis 2004 a abouti en 2012.

Mode d’élevage et valorisation

L’élevage extensif est essentiellement basé sur la valorisation de parcours au relief accidenté et couverts de maquis. Les troupeaux évoluent à l’extérieur toute l’année à part la période mise-bas des truies qui peut se faire dans des cabanes. Le moment-clé de l’année de production est la finition automnale avec des rations à base de châtaignes et de glands pâturés, finition qui débouche sur la période d’abattage et de transformation en salaisons.